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jeudi, 28 décembre 2023

Le règlement intérieur face au pouvoir disciplinaire de l’employeur

Vous venez faire l’objet d’une sanction disciplinaire ou d’un licenciement, vous souhaitez le contester, il serait judicieux de s’attarder sur la question de savoir si votre employeur a mis en valablement en place un règlement intérieur, si celui-ci vous est opposable et enfin si votre employeur l’a bien respecté.

  

Qu’est-ce qu’un règlement intérieur ?

• Quel est le contenu du règlement intérieur ?

Il s’agit d’un document mis en place unilatéralement par votre employeur.

En application des articles L. 1321-1 et suivants du Code du travail, le règlement intérieur doit contenir : 

- Les mesures d'application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement ;

- Les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l'employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès lors qu'elles apparaîtraient compromises ;

- Les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur.

Le règlement intérieur rappelle :

- Les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés définis par le Code du travail ou par la convention collective applicable ;

- Les dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel et aux agissements sexistes ;

- L'existence du dispositif de protection des lanceurs d'alerte.

Le règlement intérieur pourra également contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.

Le règlement intérieur ne peut contenir :

- Des dispositions contraires aux lois et règlements ainsi qu'aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise ou l'établissement ;

- Des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ;

- Des dispositions discriminatoires.

  

Dans quelle entreprise, un règlement intérieur doit être mis en place ?

L’établissement d’un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant au moins cinquante salariés (et plus 20 salariés comme avant le 1er janvier 2020)

Cette obligation s’applique au terme d’un délai de douze mois et non plus de six mois, à compter de la date à laquelle le seuil de cinquante salariés a été atteint.

  

Quelle procédure pour mettre en place valablement un règlement intérieur ?

Le règlement intérieur doit respecter les formalités obligatoires prévues par l’article L. 1321-4 du Code du travail.

C’est ainsi qu’il doit avoir été soumis préalablement à l'avis du Comité social et économique (CSE).

Il indique sa date d’entrée en vigueur, laquelle doit être postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité.

L’employeur doit aussi adresser une communication du règlement intérieur et des avis émis par le CSE à l'inspecteur du travail.

Cette consultation du CSE doit absolument précéder les formalités de publicité : dépôt au greffe du conseil de prud'hommes (article R.1321-2, Code du travail) et communication à l'inspecteur du travail (article R.1321-4, Code du travail)

Lorsque l'urgence le justifie, les obligations relatives à la santé et à la sécurité peuvent recevoir une application immédiate. Dans ce cas, ces prescriptions sont immédiatement et simultanément communiquées au secrétaire du comité social et économique ainsi qu'à l'inspection du travail.

A noter : Les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières relevant du règlement intérieur sont, lorsqu'il existe un règlement intérieur, considérées comme des adjonctions à celui-ci et doivent respecter les mêmes règles de publicité.

  

L’employeur peut-il sanctionner un salarié en l’absence de mise en place d’un règlement intérieur ?

En l’absence d’un règlement intérieur obligatoire, l’employeur ne peut prononcer une sanction disciplinaire autre que le licenciement (Cass. Soc. 23 mars 2017, n°15.23090 ; Cass. soc., 2 décembre 2020, n° 19-21.292)

« Le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes de discipline relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur ».

En l’absence de règlement intérieur mis en place, l’employeur ne peut donc notifier au salarié une sanction disciplinaire.

La remise en cause des sanctions disciplinaires peut avoir un enjeu fondamental dans la mesure où certaines conventions collectives subordonnent sauf faute grave à un licenciement pour motif disciplinaire à une sanction disciplinaire préalable (ex : CCN hospitalisation privée ; CCN des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées).

  

Sur qui pèse la charge de la preuve de l’absence d’obligation de mettre en place le règlement intérieur ?

Dans certains contentieux, il pourra être débattu de savoir si l’employeur avait ou non l’obligation de mettre en place un règlement intérieur au regard de son effectif.

L’enjeu est d’importance dans la mesure où si le juge considère qu’un règlement intérieur aurait dû être mis en place au jour de la notification de la sanction disciplinaire, l’absence de mise en place de règlement intérieur entrainera automatiquement l’annulation de la sanction.

Dans une telle situation, il est souvent difficile pour le salarié d’avoir les éléments nécessaires pour savoir si l’employeur a atteint l’effectif requis pour mettre en place un règlement intérieur.

Pire, certains employeurs arguaient que le salarié en sa qualité de demandeur devait apporter la preuve qu’un règlement intérieur devait être mis en place.

Dans une telle situation, la Cour de cassation a considéré que c’était à l’employeur de prouver qu’au jour de la sanction disciplinaire, il n’était pas tenu de mettre en place un règlement intérieur (Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 19-14440).

Il appartiendra alors à l’employeur, en cas de litige, d’établir la preuve que le seuil d’effectif de l’entreprise était, au jour du prononcé de la sanction inférieur à celui imposant la mise en place du règlement intérieur.

  

Quelle conséquence si le règlement intérieur n’a pas été porté à la connaissance du salarié ?

Le règlement intérieur qui n'a pas été soumis aux représentants du personnel est considéré comme nul et ne peut être appliqué (Cass. Soc., 4 juin 1969, n° 68-40377 : Bull. civ. V, no 367 ; Circ. DRT no 5-83, 15 mars 1983 : BO Trav. no 83/16) ;

Dès lors que l'une des formalités prévues par le code du travail fait défaut, le règlement intérieur ne peut pas produire effet, qu’il est nul, ce qui revient à considérer qu’il n’existe pas.

Il en résulte que toute sanction prise en raison d'un manquement aux obligations édictées par un règlement intérieur non soumis aux représentants du personnel et non transmis à l'inspection du travail est injustifié (Cass. soc., 9 mai 2012, no 11-13687 ; Cass. soc., 4 nov. 2015, n° 14-18574).

La Cour de cassation a encore confirmé que le règlement intérieur ne peut pas produire effet si l’employeur ne l’a pas communiqué à l’inspecteur du travail (Cass. Soc., 6 mars 2017, n° 15-26356).

L’employeur a donc l'obligation d'afficher le règlement intérieur de manière à informer ses salariés de l'application du règlement intérieur dans l'entreprise, à défaut de quoi, il ne peut être opposable aux salariés.

La Cour de cassation l’a confirmé dans les termes suivants « Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 1231-4 du code du travail, le règlement intérieur n’entre en vigueur qu’un mois après l’accomplissement des formalités d’affichage et de dépôt au greffe du conseil de prud’hommes du ressort de l’entreprise ou de l’établissement ; qu’ayant constaté que l’employeur ne démontrait pas l’accomplissement de ces formalités, la cour d’appel en a exactement déduit que les dispositions de ce règlement (…) n’étaient pas opposables » (Cass. soc., 4 nov. 2015, n°14-18574). 

Il en résulte qu’il est impossible en conséquence pour l'employeur de reprocher à un salarié un manquement aux obligations édictées par ce règlement, d'en invoquer une violation et de le sanctionner.

  

Quelles conséquences quand l’employeur notifie une sanction non-prévue dans le règlement intérieur ?

Le règlement intérieur vient fixer l’échelle des sanctions que l’employeur peut notifier.

Dans ces conditions, l’employeur ne pourra pas prononcer une sanction non prévue dans le règlement intérieur (cass. soc. 26 octobre 2010).

En l’espèce, si le règlement intérieur prévoyait bien la possibilité de notifier une mise à pied disciplinaire, il n’était pas prévu la durée maximale ce qui qui équivaut pour la Cour de cassation à l’absence de sanction prévue au règlement intérieur.

- un employeur ne pourra pas notifier un blâme ou un avertissement si ce n’est pas prévu dans le règlement intérieur.
- il ne pourra notifier une mise à pied de cinq jours s’il était uniquement prévu la possibilité de notifier une mise à pied de trois jours.

Il existe une exception à la règle : le cas du licenciement. Le licenciement d’un salarié pourra être prononcé, même lorsqu’il n’est pas prévu par le règlement intérieur (cass. soc. 23 mars 2017 n° 15-23.090).

  

Quelles conséquences sur le licenciement/sanction notifié en cas de non-respect de la procédure prévue dans le règlement intérieur ?

Certains règlements intérieurs vont venir prévoir des procédures supra-légales qui vont au-delà des obligations découlant du Code du travail.

Dans une telle hypothèse, la Cour de cassation vient considérer que l'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur est assimilée à la violation d'une garantie de fond et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque :

- Soit elle a privé le salarié de droits de sa défense ;

- Soit lorsqu'elle est susceptible d'avoir exercé en l'espèce une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur.

Le règlement intérieur de la société prévoyait que « lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il doit convoquer le salarié à un entretien préalable par lettre recommandée ou remis en main propre en l'informant des griefs retenus contre lui » (Cass. soc. 13 septembre 2023 n° 21-25.830 F-D)

La Cour de cassation reproche ainsi à la cour d'appel de ne pas avoir rechercher si la seule mention dans la lettre de convocation de faits particulièrement graves, non détaillés même sommairement, n'a pas privé la salariée de la possibilité de préparer utilement sa défense lors de l'entretien préalable au licenciement, de sorte qu'elle ne répondait pas aux dispositions du règlement intérieur.

Il s’agira pour la Cour d’appel de renvoi d’apprécier si le non-respect des dispositions du règlement intérieur a privé le salarié de droits de sa défense

Dans ces conditions, il convient de systématiquement de prendre connaissance du règlement intérieur de votre entreprise pour savoir s’il prévoir des dispositions spécifiques qui pourraient, en cas de non-respect, rendre votre licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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Lepany & Associés et l’ensemble de son équipe est à votre disposition pour vous conseiller et vous défendre si vous faites l’objet d’une procédure disciplinaire ou une procédure de licenciement. Contactez-nous