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mardi, 28 mars 2023

CSE et Syndicat : Comment préserver la santé, la sécurité, et les conditions de travail en cas de PSE ?

 

Les questions liées à la Santé, la Sécurité et les Conditions de Travail (la SSCT) sont centrales dans le cadre de la mise en place et de la mise en œuvre des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE).

En effet, au regard des impacts sur la structure et l’organisation de l’entreprise, les conditions de travail des salariés sont très impactées.

Or, en application du principe général prévu à l’article L. 4121-1 du Code du travail « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

S’est donc posée la question de déterminer l’étendue du contrôle de l’Administration du travail en matière de SSCT dans le cadre de son contrôle des PSE.

Par un arrêt de principe, le Tribunal des Conflits a considéré que l’Administration, doit vérifier « le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

Ainsi, la DRIEETS devra « contrôler, tant la régularité de l'information et de la consultation des institutions représentatives du personnel que les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du Code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée, ce contrôle n'étant pas séparable de ceux qui sont mentionnés au point 7. Il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître de la contestation de la décision prise par l'autorité administrative » (TC, 8 juin 2020, n°4189).

Un double contrôle doit donc être effectué, à savoir celui de :
la régularité de l’information/consultation du CSE sur les impacts de la réorganisation en matière de santé, sécurité et conditions de travail ;

l’existence de mesures prises en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Quels sont les droits du CSE en termes d’informations dans le cadre d’un PSE ?

Quelles informations le CSE et à la CSSCT sont en droit d’obtenir ?

L’article L. 1233-31 du Code du travail dispose que :

« L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. Il indique : […] 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ».

L’Administration doit donc s’assurer que l’employeur a adressé au CSE, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que le cas échéant, en réponse aux demandes exprimées par le comité, tout élément utile pour qu’il formule ses avis.

Toutefois, si l’information la plus complète et sincère doit être transmise dès la 1ère réunion, elle peut faire l’objet des précisions nécessaires au fil de la procédure en vue de permettre au CSE de rendre son avis en toute connaissance de cause (CAA Versailles, 22 sept. 2020, n° 17VE03318).
Il devra être transmis au CSE, et, le cas échéant, à la CSSCT si elle existe, une note d’information portant sur la prévention des risques, leur évaluation ainsi que sur les mesures prises pour les prévenir.

Sans que cela ne soit suffisant, il est certain que l’employeur devra inscrire sa démarche dans le cadre d’une modification du Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnelles (DUERP).

L’employeur pourra d’autant moins s’en exonérer qu’il a pour obligation de consulter le CSE lors la mise à jour du DUERP (article L. 4121-3 al. 3 1° du Code du travail), notamment, lors de toute décision d'aménagement modifiant les conditions de travail ou impactant la santé ou la sécurité des salariés (article L. 4121-3 alinéa 1er et R. 4121-2 du Code du travail).

Ainsi, les élus seront en droit d’obtenir :

- une grille d’identification et d’évaluation des risques santé/sécurité liés à la restructuration, avec la méthode retenue sur la base d’éléments concrets ;

- un plan de prévention des risques listant et détaillant les actions déjà réalisées et celles prévues pour limiter les risques identifiés.

Que faire si l’employeur refuse de transmettre les éléments d’information ?

Le CSE ne reste pas sans moyen face à une insuffisance d’information sur la SSCT.

En premier lieu, le CSE a intérêt à recourir à un expert-comptable désigné lors de la première réunion pour l’assister dans le cadre de la procédure de consultation, notamment, s’agissant des impacts en matière de SSCT présenté par la Direction (articles L. 2315-92 et L. 2315-80 du Code du travail).
L’expert-comptable désigné, avec, le plus souvent, le recours à un expert spécialisé, permettra aux élus d’apprécier l’éventuelle insuffisance de l’information communiquées.

Si malgré tout l’employeur était défaillant, le CSE pourra formuler une demande d’injonction auprès de l’Administration pour contraindre l’employeur à communiquer les informations manquantes (article L. 1233-57-5 du Code du travail).

L’Administration disposera d'un délai de cinq jours pour se prononcer sur la demande d'injonction à compter de la réception de la demande.
Dans ce délai, elle interrogera l’employeur et le CSE et décidera ou non d’enjoindre à l’employeur de produire les documents et informations manquantes.

La décision rendue sera insusceptible de voie de recours. L’employeur aura tout intérêt à s’exécuter faute de quoi il pourrait s’exposer à un refus d’homologation/validation par l’Administration.

En revanche, si l’Administration refuse de faire droit à la demande d’injonction et décide d’homologuer ou de valider le PSE, le CSE pourra toujours contester la décision de l’Administration en invoquant un non-respect de la procédure de consultation devant le Tribunal administratif.

Le CSE pourra d’ailleurs le faire même s’il n’a pas formulé de demande d’injonction.

Quelles mesures l’employeur doit mettre en place en matière de prévention des risques ?

L’Administration devra contrôler que l’employeur respecte ses obligations en matière de prévention des risques et de préservation de la santé physique et mentale des travailleurs et que l’'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent, conformément à l’article L. 4121-1 du Code du travail :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes » (article L.4121-1 du Code du travail).

Cela devra s’inscrire dans le cadre des principes généraux de prévention rappelés à l’article L. 4121-2 du Code du travail, à savoir :

« 1° Éviter les risques ;

2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé (…) »

Enfin, « L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail.

A la suite de cette évaluation, l'employeur met en œuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement. » (article L 4121-3 du Code du travail).

L’employeur devra :

procéder à une évaluation des risques  préalablement à la mise en œuvre d’une nouvelle organisation, et ce, afin de prévenir les risques qu’elle pourrait générer ;

prendre les mesures nécessaires pour prévenir et éviter les risques.

Le contrôle que l’Administration s’effectuera sur la prise en compte par l’employeur des impacts de sa restructuration en matière de SSCT se fait dans les deux phases, tant durant la procédure d’information/consultation du CSE que dans le cadre de la mise en œuvre de la réorganisation.

En la matière, le Conseil d’Etat a rappelé que :

même si la DREETS s’assure que les institutions représentatives du personnel avaient bien été informées et consultées sur les risques psychosociaux, elle doit également s’assurer que le document unilatéral établi par l’employeur comporte bien des mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (CE, 21 mars 2023, n° 450012)

Le PSE soumis à la DREETS qui ne comportait aucune mesure propre à protéger les salariés des conséquences sur leur santé physique ou mentale de la cessation de l’activité de l’entreprise ne pouvait pas être légalement homologué en l’absence de mesures de prévention des risques psychosociaux, alors qu’ils étaient avérés. (CE, 21 mars 2023, 460660-460924)

Quelles mesures prendre en matière de prévention en cours de procédure d’information/consultation du CSE ?

Durant la procédure d’information/consultation du CSE, l’employeur pourra prévoir, notamment :

- une cellule d'écoute prise en charge par un cabinet spécialisé ;

- une ligne d'écoute permanente et d’un accompagnement psychologique ;

- la mise en place de campagne d'information sur les RPS ;

- la mobilisation des acteurs de prévention existants dans l’entreprise, notamment, la médecine du travail ;

- un espace d'information conseil pour accompagner les salariés (sous réserve de l’accord du CSE) ;

- une formation aux risques psycho-sociaux du management, etc.

Il s’agira le plus souvent de mesures de prévention tertiaires auxquelles le CSE et la CSSCT devront être pleinement associés.

Quelles mesures à prendre en matière de prévention dans le cadre de la mise en œuvre du PSE ?

Les dispositifs mis en place dès l’annonce de la réorganisation pourront être partiellement maintenus dans le cadre de la mise en œuvre de la réorganisation.

Toutefois, cela ne sera pas suffisant car il ne s’agit pas uniquement de traiter la situation des salariés quittant l’entreprise, mais également celle des salariés restant en poste.

L’expert-comptable désigné pour assister le CSE sera là encore d’une grande utilité pour l’aider sur ces questions et le conseiller après avoir, notamment, auditionné la Direction et les salariés.

Ainsi, après avoir identifié et évalué les risques liés à la nouvelle organisation en réalisant un diagnostic de l’organisation actuelle et l’organisation cible, il s’agira de prévoir les mesures de protection des salariés. En fonction, il pourra notamment être envisagé :

- d’agir sur l’organisation cible en l’adaptant, éventuellement en diminuant le nombre de suppression de postes/créant des postes, tout en redéfinissant les missions, notamment, les fiches de poste, en réalisant une pesée de la charge de travail par poste ;

- de mettre en place de manière progressive et séquencée la nouvelle organisation (par phase) ;

- de prévoir des mesures de formation adaptée aux besoins des salariés ;

- de mettre en place une commission de suivi connaissant de la mise en place de la réorganisation sans se limiter à connaitre uniquement des mesures d’accompagnement du PSE.

En fonction de l’importance de la restructuration, le CSE et les organisations syndicales pourront proposer un projet alternatif réalisé avec le support de leurs experts, pour pallier les carences du projet de la Direction, notamment, en matière de SSCT.

Notre expertise nous permet de vous conseiller au mieux pour vous apporter un conseil pertinent et adapté à chaque situation.