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lundi, 04 mars 2024

Quel délai de carence entre deux CDD proposés à un même salarié ?

La succession de CDD, à savoir conclure plusieurs contrats successivement (à ne pas confondre avec le renouvellement de CDD), est strictement encadrée et doit donc respecter des règles conventionnelles et légales bien précises.

Ainsi, si votre employeur vous propose de signer plusieurs CDD successifs, votre employeur devra, en fonction des situations, respecter un délai de carence.

À défaut, vous serez en droit de solliciter la requalification de vos CDD en CDI et de solliciter les indemnités en découlant.

 

1. PRINCIPE : LE RESPECT D’UN DÉLAI DE CARENCE EXIGE EN CAS DE SUCCESSION DE CDD SUR UN MÊME POSTE

- Que faut-il entendre par délai de carence ?

En principe, l’employeur ne peut pas conclure sans interruption des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié.

Il est tenu, lors du réengagement du même salarié, de respecter un délai de carence entre chaque CDD, lorsque la succession porte sur le même poste de travail (article L. 1244-3 du Code du travail).

Afin de vérifier si le délai de carence est applicable, il conviendra de déterminer si les postes auxquels le salarié est affecté successivement sont identiques ou non.

L’identité de poste s’apprécie en fonction de la nature des travaux confiés. Ainsi, si un salarié effectue dans le cadre de contrats successifs le même travail, mais dans des lieux distincts, un délai de carence est nécessaire entre les CDD (circ. DRT 90-18 du 30 octobre 1990, n° 2-6-1).

- Quelle durée pour le délai de carence ?

En premier lieu, il conviendra de vérifier si une convention ou un accord de branche étendu fixe la durée du délai de carence qui doit séparer deux contrats conclus sur le même poste ainsi que les cas dans lesquels ce délai de carence est requis (article L. 1244-3 du Code du travail).

Bien entendu, les dispositions conventionnelles doivent respecter le principe selon lequel aucun CDD ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

En l’absence d’accord de branche fixant la durée du délai de carence, il doit être respecté un délai de carence égal :

- au tiers de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat initial (renouvellement inclus) est de 14 jours ou plus ;

- à la moitié de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat (renouvellement inclus) est inférieure à 14 jours.
(article L. 1244-3-1 du Code du travail)


- Quel point de départ et le calcul du délai de carence en jours d’ouverture ?

Le délai de carence court à compter de l’arrivée du terme du CDD initial et ce, même lorsque le CDD a été rompu avant son terme (Cass. soc., 19 janv. 1999, n° 96-42.884).

En outre, les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement concerné et ceci, afin d’éviter que l’employeur ne fasse coïncider le délai de carence avec une période de fermeture de l’entreprise (article L. 1244-3-1 du Code du travail).

Il est à préciser par une circulaire que :

- la notion de « jours d'ouverture » s'entend des jours d'activité de l'entreprise, et ne se confond pas avec les jours d'ouverture aux clients ou aux fournisseurs ;

- dans l'hypothèse où une partie de l'établissement (atelier, bureau) présente un nombre de jours d'activité supérieur à celui du salarié, il convient, dans le silence de la loi, de retenir cette durée comme référence.

- s'il s'agit d'une entreprise à établissements multiples, ils doivent être pris en référence les jours d'ouverture de l'établissement où est affecté le salarié

(Circulaire DRT n° 2002-08, 2 mai 2002)

En cas de non-respect du délai de carence, qu’il soit conventionnel ou légal, le contrat est réputé avoir été conclu à durée indéterminée et l'employeur s'expose, en outre, à des sanctions pénales (articles L. 1245-1 et 1248-11 du Code du travail).

- Qu’en est-il en cas de succession de CDD portant sur des postes différents pour un même salarié ?

Si l’employeur fait succéder des contrats portant sur des postes différents, la loi n’indique pas de durée minimale (Cass. soc. 6 mai 1998, n° 95-45027).

Pour autant, le délai d’interruption ne doit pas être trop bref, faute de quoi en cas de litige les juges pourraient requalifier le contrat en CDI (circ. DRT 90-18 du 30 octobre 1990, n° 2-6-2).

En pratique, il conviendra d’apprécier raisonnablement le délai, selon la durée du contrat initial arrivé à échéance (circ. DRT 92-14 du 29 août 1992).

- Quelle sanction en cas de non-respect du délai de carence ?

En cas de non-respect du délai de carence, vous serez en droit de demander la requalification de vos CDD en CDI ce qui ouvre droit à une indemnité de requalification d’au moins un mois de salaire brut.

En outre, si le dernier contrat a pris fin, vous serez en droit d’obtenir :

- Une indemnité de préavis outre les congés payés afférents
- Une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement
- Une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

  

2. LES EXCEPTIONS AUTORISANT LA SUCCESSION DE CDD AVEC LE MÊME SALARIE SANS DÉLAI DE CARENCE

Votre employeur pourra vous proposer plusieurs CDD successifs sans délai entre les CDD conclus dans les cas suivants :

- remplacement d'un salarié absent ;
- remplacement de l’une des personnes mentionnées aux 4° et 5° de l’article L. 1242-2 du Code du travail (notamment du chef d’entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, du chef d’une exploitation agricole ...)
- remplacement d’un salarié dont le contrat de travail est suspendu ;
- emploi saisonnier ;
- emploi d'usage.

(article L. 1244-1 du Code du travail)
Chaque contrat conclu avec le même salarié doit l’être pour l’un des motifs permettant cette succession (Cass. soc. 12 mars 1996, n° 93-44767).
Toutefois, s'il est possible, au regard de l'article L. 1244-1 du Code du travail, de conclure des CDD successifs de remplacement avec le même salarié, cette possibilité doit s'exercer dans le respect de l'article L. 1242-1 du même code qui pose le principe d'interdiction de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, sous peine de voir les CDD requalifiés en CDI.

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Les avocats du cabinet LEPANY & ASSOCIES sont à votre disposition pour vous conseiller si vous êtes prêts à conclure un ou plusieurs CDD.